Archives de Tag: nov 22

Bienvenue en absurdie – 2

Capillotracté

Un article d’un journal local nous apprend qu’une coiffeuse – tout aussi locale – réalise des prodiges, car elle se prétend experte en coupe de cheveux énergétiques grâce à un rituel en trois temps qui permet de se réconcilier avec son histoire capillaire. ??? me dis-je ! Mais, que je suis impatient, voici les explications : la coupe de cheveu est réalisée mèche à mèche – jusque là, je suis à peu près -, au tanto, un petit sabre japonais. La vibration émise se diffuse jusqu’au bulbe pileux, stimulant ainsi la pousse. On nous précise même qu’on ressort de là le cheveu gorgé de vitalité car il est un capteur émotionnel. Ben tiens ! Bon, le coup du sabre japonais – même petit – ne me dit rien qui vaille et ne crée pas forcément une confiance totale. Mais si la « vibration se diffuse jusqu’au bulbe pileux », me « réconciliant ainsi avec mon histoire capillaire »… que demander de plus ? Allez, avec un petit massage à la crème surdouée de la dernière fois… je vais être un autre homme. Alexandre Dumas pour conclure : L’homme naît sans dents, sans cheveux et sans illusions, et il meurt de même, sans cheveux, sans dents et sans illusions.  

Bienvenue en absurdie – 1

Sexe : le plaisir est de courte durée, la position ridicule et la dépense absurde.

C’est par pure plaisir que je cite cette définition de Philip Chesterfield, car elle n’a rien à voir avec ce qui va suivre, sinon une certaine idée du n’importe quoi qui règne en permanence dans nos médias et chez les annonceurs publicitaires prêts à tout pour créer l’illusion chez les consommateurs. Exemple :

Lu dans Version Fémina dans la salle d’attente de mon dentiste… un des seuls endroits où l’on peut encore consulter – certes d’un regard distrait – ce type de publications. Les laboratoires Embryolisse… eh oui ! Ça existe ! -, qui s’autoproclame culte depuis 1950 et qui en l’occurrence développerait des soins surdoués (sic), grâce à une crème de visage défatigante à l’extrait d’arbre à soie. Ces fameux « soins surdoués » posent la question de savoir si le labo a fait passer un test de QI à ladite crème. Mais, ce n’est pas fini, car pour faire bon poids, la pub précise que cette crème est diagnostiquée « Haut Potentiel Intellectuelle », avec une pensée en arborescence, une mémoire hors du commun et un fonctionnement neuro-atypique. (re sic) On nous prendrait pour des couillons que ça ne m’étonnerait qu’à moitié. Quand on fera danser les couillons, tu ne seras pas à l’orchestre. ((M. Pagnol)

Le Torrent

Qui dit un mensonge en dit cent.

Le nouveau film d’Anne Le Ny – qui à ma connaissance, signe ici son premier polar -, est un classique parmi les classiques, mais ces 100 minutes brillent par l’immense tension qui règne en observant un engrenage qui va se refermer et broyer ses protagonistes. Lorsqu’Alexandre découvre que sa jeune épouse, Juliette, le trompe, une violente dispute éclate. Juliette s’enfuit dans la nuit et fait une chute mortelle. Le lendemain, des pluies torrentielles ont emporté son corps. La gendarmerie entame une enquête et Patrick, le père de Juliette, débarque, prêt à tout pour découvrir ce qui est arrivé pendant cette nuit d’inondations. Alexandre qui craint d’être accusé, persuade Lison, sa fille d’un premier lit (18 ans), de le couvrir. Il s’enfonce de plus en plus dans le mensonge et Patrick commence à le soupçonner. Piégée entre les deux hommes, Lison pourrait tout faire basculer… On pourrait croire que ce scénario a été écrit par l’auteur latin, Térence qui écrivit : un mensonge en entraîne un autre. Histoire forte, réalisation soignée et casting au top. A voir sans crainte.  

Anne le Ny a confié qu’elle avait été inspirée par l’affaire Viguier, en l’an 2000, dans laquelle un homme accusé de la disparition de sa femme est soutenu par ses enfants. Ce fait divers a, de toute évidence, nourri la réflexion de la réalisatrice sur l’ambiguïté des émotions et la difficulté à faire des choix dans des situations intenables. Le scénario et le montage très nerveux nous plonge dans le drame qui s’abat sur cette famille et dont le tempo dérègle tout, les rythmes biologiques de tout le monde, les repas, le sommeil, les nuits… Les ravins, les ciels lourds et les torrents vosgiens servent de décor aussi splendide qu’angoissant à cette histoire qui nous dit qu’il n’y a pas que des mauvaises personnes qui commettent des actes terribles. Pour résumer, c’est bien écrit, joliment filmé et surtout, c’est un film d’acteurs, et là, on se régale.

José Garcia nous gratifie d’un numéro étonnant qui vaut le détour à lui tout seul. Mais pour lui donner la réplique, André Dussollier,  la jeune Capucine Valmary,  – une habituée des séries télé, qui tient là un très beau rôle qu’elle assume avec beaucoup de talent et d’ailleurs nommée pour le César de la meilleure espoir féminine -, Christiane Millet, Anne le Ny elle-même, sont tous excellents. Je ne peux que conseiller ce polar psychologique made in France, solide, efficace et haletant.

Pétaouchnok

Les Pieds Nickelés en poncho

D’Edouard Deluc je n’avais vu que son très agaçant Mariage à Mendoza en 2014. Je reconnais être entré dans la salle au vu du casting promis à l’écran. Le thème du trek initiatique ne fait pas dans l’originalité – Les randonneurs, Hommes au bord de la crise de nerfs -, mais, bon pourquoi pas se distraire en plein milieu d’un tsunami de films graves qui submerge les programmations de nos salles obscures ? Au cœur des Pyrénées, deux amis ont l’idée du siècle pour se sortir de la précarité : lancer une chevauchée fantastique à travers la montagne, pour touristes en mal de nature, de silence, d’aventure. Une éclaircie de 96 minutes… et Dieu que les Pyrénées sont belles !

Ce n’est certes pas la comédie de cette fin d’année, mais elles sont tellement rares qu’on s’en contentera. D’ailleurs rien de déshonorant dans cette comédie rythmée, bien photographiée et très bien jouée. Non les reproches iraient plutôt du côté du scénario déjà vu et du clichetonneux. Les personnages sont caricaturaux et l’intrigue dans le genre poussif. 2 zigotos en ponchos, imposteurs sur les bords, accueillant maladroitement des touristes en mal d’aventure, pour aller traverser tous ensemble, aussi joyeusement que possible, les Pyrénées à cheval… pourquoi pas ? Mais vous avez deviné, l’entreprise va virer vite fait à la catastrophe. Aventuriers insupportables et capricieux, guides un tantinet dépassés, et une accumulation de contretemps qui frise l’invraisemblable, sans compter le happy-end bâclé… ah oui, j’avais prévenu, ce n’est pas le film de l’année. Mais reste les paysages et l’investissement des acteurs et actrices qui nous emmènent malgré nous dans cette grande rando équestre. Allez en selle !

Pio Marmaï et Philippe Rebbo sont des acteurs que j’adore. Ce sont eux qui m’ont fait entrer dans la salle. Le 1er en loser roi de la tchtache et l’autre en  magicien du pauvre sont épatants et tiennent la baraque, bien aidés en cela par Camille Chamoux, Pablo Pauly, Moussa Mansaly, Olivier Côte, Sami Ameziane – plus connu sous le pseudo de Comte de Bouderbala -… les chevaux aussi sont très bien. Western catastrophe sympatoche comme tout et sans aucune prétention. Divertissant.

TKT

Face à la catastrophe, on a besoin de culture. (M. Mairal)

Mais voilà, comme la culture devient la chose du monde la moins bien partagée, une partie non négligeable des accros aux réseaux sociaux réagissent aux maux de notre monde par le laconique et désormais populaire TKT… pour les non initiés t’inquiète. Ce qui est tout de même un peu court quand on établit le catalogue des dysfonctionnements de notre XXIème siècle. Essayons-nous à l’exercice sans, hélas, garantir son exhaustivité, car il y de quoi devenir fou, schizophrène, paranoïaque, sataniste, complotiste, fanatique, terroriste, islamiste… rayez les mentions inutiles.

Des femmes se révoltent au péril de leur vie – déjà près de 400 victimes dont une cinquantaine d’enfants – dans l’Iran des mollahs, le conflit inique qui entame son 10ème mois en Ukraine, la 3ème guerre – nucléaire celle-là – qui nous pend au nez, les bombes qui explosent partout sur la planète, l’Afrique et ses conflits sans fin dont personne ne parle ainsi que ses 80 millions de personnes déplacées, la famine endémique, les démocraties menaçées de partout par le retour des extrêmes-droites, les intempéries, les tornades, les typhons, les tsunamis, le réchauffement climatique, la pollution meurtrière, la – voire les – pandémie qui n’en finit pas tel un cycle infernal… bref, nos vies rythmées par toutes ces catastrophes annoncées… Et annoncées par qui ? Les réseaux sociaux, les chaînes d’actualités – on a du mal à utiliser encore le label « infos » -, où l’on parle, parle et parle encore entretenant ainsi une angoisse collective savamment orchestrée. Et face à ce traumatisme généralisé, certains ne réagissent plus que par l’incontournable TKT. C’est devenu une sorte de mot d’ordre, de posture, d’habitude qui conseille de ne plus regarder, de ne plus entendre, de refuser de comprendre les porteurs de funestes nouvelles. TKT. Ce qui enjoint également ceux qui te lisent de ne se sentir ni coupables, ni responsables, ni tristes, ni désespérés, et surtout de ne pas chercher à trouver une raison, une faille ou un ancrage quelconque, bien au contraire de ne pas avoir peur ou tout simplement de ne pas y penser. Bref, devant ce monde qui crève à petit feu de violence, d’hébétude, de tristesse, de colère et d’impuissance, TKT ! Ces trois lettres deviennent un moyen détourné de survie. T’inquiète, nous dit-on. Désolé, mais MKT, je m’inquiète,, pas pour moi et les quelques années qui me restent – sans oublier que les plus belles années, ce sont celles qu’on n’a pas encore vécues (G. Musso) -, mais comme père et surtout grand-père qui se désespère en regardant le monde que je vais laisser à ma descendance. Et pour finir sur une note plus joyeuse, retrouvons Pierre Dac qui disait on a l’avenir devant nous et on l’aura dans le dos chaque fois qu’on fera demi tour. TKT !

Les Miens

Drôle et émouvant

C’est ce qu’on peut lire sur l’affiche du nouveau film de Roschdy Zem. Et pour une fois, le slogan s’avère tout à fait juste. 85 minutes d’une comédie douce amère qui nous parle de la famille avec une tendresse touchante. Moussa a toujours été doux, altruiste et présent pour sa famille. À l’opposé de son frère Ryad, présentateur télé à la grande notoriété qui se voit reprocher son égoïsme par son entourage. Seul Moussa le défend, qui éprouve pour son frère une grande admiration. Un jour Moussa chute et se cogne violemment la tête. Il souffre d’un traumatisme crânien. Méconnaissable, il parle désormais sans filtre et balance à ses proches leurs quatre vérités. Il finit ainsi par se brouiller avec tout le monde, sauf avec Ryad… Je ne peux que conseiller ce joli moment de cinéma intimiste.

Roschdy Zem s’est inspiré de l’accident de son petit frère qui, après un choc à la tête, est devenu quelqu’un au franc-parler désinhibé et féroce. Inutile de préciser que l’événement va provoquer un véritable cataclysme au sein d’une famille a priori très unie. La personnalité tout à coup sans filtre, le bouleversement que ses réactions provoquent, font que l’on passe sans cesse du drame à la comédie. On rit parfois, on est choqué souvent. On fait soudainement partie de cette famille bouleversée et l’empathie est immédiate. Si la réalisation est évidemment très plan-plan, l’écriture – faite à 4 mains avec Maïwenn -, est tout à fait réussie et sait éviter l’écueil du pathos et surtout du cliché qui fait que souvent au cinéma, dès qu’un personnage est d’origine émigrée, on se sent obligé d’agiter le prisme sociétal ou le pittoresque. Une belle réussite.

Roschdy Zem, Maïwenn, Sami Bouajila, Meriem Serbah, Rachid Bouchareb, sont tous très investis par cette histoire, celle d’une famille comme toutes les autres qui tentent de réagir face à un choc et à la maladie – pour le moins atypique -, d’un de ses membres. On passe un très bon moment avec les 3 générations de cette fratrie comme tant d’autres, comme la nôtre sans doute. Bien écrit, très bien joué, subtil et tendre. A voir !

Armageddon Time

Les 400 coups

Depuis 1994, James Gray nous a rarement déçus – à part peut-être avec le trop fumeux Ad Astra -. Depuis 1994 et Little Odessa, Gray nous raconte, même par des voies détournées, son histoire personnelle. Mais ces 115 minutes sont certainement celles qui dévoilent le plus intimement notre cinéaste. L’histoire très personnelle du passage à l’âge adulte d’un garçon du Queens dans les années 80, de la force de la famille et de la quête générationnelle du rêve américain.  Avec ses critères habituels, noirceur du propos, beauté de la photographie et présence d’un casting de grande qualité, il reste fidèle à lui-même. Superbe !

Après des échappées dans la jungle puis l’espace, Gray revient à ses premières amours avec son New-York natal et en particulier le quartier populaire du Queens. Je voulais rentrer à la maison, et faire un film qui serait le plus personnel possible a-t-il déclaré. Il revisite son enfance en nous faisant partager le quotidien de sa famille, son frère aîné, son père, fils de plombier, qui, après une enfance difficile, est parvenu à se hisser dans la classe moyenne en devenant ingénieur, sa mère, enseignante et présidente de l’association des parents d’élèves. Mais le personnage central pour le jeune garçon, c’est son grand père auquel il voue une admiration sans bornes. Les thèmes du racisme sont traités avec beaucoup de subtilité, à travers le regard d’un jeune garçon qui découvre que la race et la classe sociale octroient le bénéfice du doute, et donnent droit à une deuxième chance, voire une troisième. Ce film est bouleversant et, encore une fois, on se demande comment il a pu repartir bredouille de Cannes. Un drame amer et lucide sur la perte de l’innocence.  

Anne Hathaway et Jeremy Strong, sont parfaits dans les rôles des parents. Anthony Hopkins, comme toujours, est formidable. Quant aux jeunes Banks Repeta et Jaylin Webb, ils nous amusent et nous bouleversent tout à la fois. A noter la furtive apparition de Jessica Chastain dans le rôle de Maryanne Trump – sœur de… -, dont le discours ne laisse aucun doute sur les orientations politiques de sa famille. Loin des grandes envolées lyriques des tragédies précédentes de James Gray, on est conviée à une balade mélancolique dans le Queens de la Grosse Pomme des 80’s, au cours de laquelle il nous raconte deux mois fondateurs de son enfance. La photographie de Marius Khondji sublime ce film magnifique et donc… incontournable.

Les Amandiers

Au rendez-vous de l’hystérie

Valéria Bruni Tedeschi fait dans l’autobiographie et nous propose ici, pendant 125 minutes, une adaptation libre de ses souvenirs, d’une troupe de comédiens qu’elle a connue. Fin des années 80, Stella, Etienne, Adèle et toute la troupe ont vingt ans. Ils passent le concours d’entrée de la célèbre école créée par Patrice Chéreau et Pierre Romans au théâtre des Amandiers de Nanterre. J’ai l’impression qu’il est de bon ton d’aimer, d’adorer, de porter aux nues cette longue évocation des années 80 marquées par l’épidémie de SIDA qui va tant peser sur la jeunesse de l’époque. Hélas, tout ce petit monde est frappé d’hystérie permanente et, croyez-moi, c’est épuisant.

Dans ce drame, la réalisatrice s’est nourrie de son expérience à l’École des Amandiers de Nanterre de Pierre Romans et Patrice Chéreau où elle s’est formée dans sa jeunesse et où elle a côtoyé notamment Agnès Jaoui, Vincent Perez, Marianne Denicour, et beaucoup d’autres. Bien sûr, il y a là une bonne partie de fiction – mais laquelle ? -. Peu importe car les ingrédients sont tous présents, le sexe, les amours contrariées, la drogue, le Sida, tout, je le répète, mais dans l’excès. J’ai eu beaucoup de mal à partager les états d’âme de la troupe, les hurlements, les crises de nerfs à répétition et l’hystérie quasi collective qui s’empare de tout ce petit monde. Ce n’est sans doute pas pour rien qu’un des jeunes acteurs a écrit 20 ans plus tard un récit de cette période qu’il a intitulé Un petit tour en enfer. CQFD. Pour moi, cette projection n’est pas loin d’y ressembler malgré la qualité intrinsèque de la distribution.

Pour trouver les jeunes interprètes de la troupe des Amandiers, la réalisatrice a cherché avant tout des personnalités et un groupe cohérent. C’est ainsi que son choix s’est porté sur la remarquable Nadia Tereszkiewicz, le débutant prometteur Sofiane Bennacer, Louis Garrel, – dans la peau de Chéreau – Micha Lescot, et les autres. Quant au Platonov de Tchekhov qui se répète durant le film, franchement on n’a pas très envie d’en voir la représentation… Quel ennui ! Bon, tout ceci n’engage que moi ; la presse est dithyrambique à propos de ce gros numéro de nombrilisme. Mais il faut dire que Mme Tedeschi « a la carte » comme on dit. Alors, il semble quasi impossible d’en dire du mal. Tant pis, j’ose ce crime de lèse-majesté.

Un coup d’avance

Une histoire qui ne manque pas de fondement

Le Norvégien, Magnus Carlsen, maître incontesté de la discipline, accuse le jeune Américain Hans Niemann de tricherie. Les soupçons sont légitimes, mais les faits restent difficiles à prouver ajoute la rumeur. Mais de quoi parle-t-on ? Du jeu d’échecs ! Cette affaire bouleverse le monde feutré des échecs, même si l’histoire de la discipline est déjà riche en arnaques prouvées ou suspectées. Dans l’imaginaire populaire, ce mystérieux univers a tout du monde du silence. Pourtant, le milieu des fous et des tours traverse depuis quelques semaines un moment de bruit et de fureur. L’américain Niemann, – 19 ans et 49e mondial -, n’est pas censé faire partie du gratin susceptible de renverser le roi0 de l’échiquier. Or, il a avoué avoir triché deux fois en ligne lorsqu’il avait 12 et 16 ans, mais jamais en face-à-face, et se dit même prêt à jouer en tenue d’Adam pour lever les doutes. Pourquoi donc jouer à poils ? Car, ici, on ne parle plus d’antisèches à la papa, façon Les Sous-Doués, mais de l’utilisation d’un plug anal dont les vibrations transmettraient des informations sur les coups à jouer via la complicité d’un comparse connecté sur les sites spécialisés… en jeu d’échecs évidemment… à quoi pensiez-vous ?

Cela dit, il ne s’agit pas là d’un orage dans un ciel limpide, l’histoire de la discipline regorge d’embrouilles plus ou moins croquignolesques. Un exemple parmi beaucoup d’autres : en 2019, un grand maître tchèque, aux résultats aussi subits qu’étonnants malgré ses 58 ans, s’était fait surprendre en plein tournoi, dans les toilettes, consultant un logiciel sur son portable, planqué comme dans un mauvais film. Il faut donc essayer de prendre des mesures. On peut imaginer des fouilles aléatoires après la partie ou des scanners à l’entrée des compétitions. Une histoire de fou dont Niemann serait un pion à l’attitude assez peu cavalière. Vous êtes autorisés à lire cette chronique en diagonale. Allez, tiens, pour finir en beauté, un dicton échiquéen : Pour endormir l’adversaire : il faut un coup sain et un beau mat là.

Couleurs de l’incendie

Vengeance !

Clovis Cornillac s’attaque à un gros morceau, une adaptation du roman éponyme de Pierre Lemaitre, suite de la saga initiée par Au revoir là-haut. Il faut dire qu’il a mis toutes les chances de son côté puisque c’est le romancier lui-même qui a écrit ladite adaptation.  Février 1927. Après le décès de Marcel Péricourt, sa fille, Madeleine, doit prendre la tête de l’empire financier dont elle est l’héritière. Mais elle a un fils, Paul, qui d’un geste inattendu et tragique va la placer sur le chemin de la ruine et du déclassement. Face à l’adversité des hommes, à la corruption de son milieu et à l’ambition de son entourage, Madeleine devra mettre tout en œuvre pour survivre et reconstruire sa vie. Tâche d’autant plus difficile dans une France qui observe, impuissante, les premières couleurs de l’incendie qui va ravager l’Europe. 136 minutes qu’on n’a pas le temps de voir passer. Quand la petite histoire croise le chemin de la grande. Du très bon cinéma classique mais ambitieux et virtuose. Et surtout, quel scénario !

Je ne pensais pas que Clovis Cornillac – dont j’estime par ailleurs le talent d’acteur – serait capable de s’attaquer à une fresque de cette ampleur. Eh bien, je bats ma coulpe, je me suis trompé. Superbe mise en scène, reconstitution plus que soignée, très belle musique, montage très nerveux et une direction d’acteurs – en particulier les enfants -, épatante. Tout est réuni pour un grand film et, comme je ne reviendrai pas sur la qualité du scénario, vous avez compris que je suis sorti conquis de ces deux heures et quart où certes, le manichéisme règne en maître, mais tant pis si les méchants sont très méchants et les gentils très gentils. Mais cette période de la montée du nazisme ne se prêtait-elle pas  parfaitement à ce regard ? Bref une histoire de vengeance à longue haleine absolument passionnante et parfois bouleversante.

Léa Drucker domine le casting XXL de tout son talent. De la fragilité à la manipulation, elle nous propose une palette immense de sentiments. Face à elle les Benoît Poelvoorde, très sobre et juste, Olivier Gourmet, qui, – et c’est très rare – en fait des tonnes, Jérémy Lopez de la Comédie Française, Clovis Cornillac himself, Fanny Ardant, magnifique en diva au grand cœur, Alice Isaaz, Alban Lenoir, Olivier Rabourdin et les deux jeunes Octave Bossuet et Nils Othenin-Girard qui crèvent l’écran… quand je vous disais que c’est un casting assez rare dans le ciné français… Voilà un budget de 16 millions utilisé à merveille… Quand on pense qu’un navet comme Barbecue a coûté plus de 11 millions ??? On s’interroge ! Pour résumer du cinéma romanesque classique de chez classique, mais tellement bien fichu qu’il emporte l’adhésion.