Archives de Tag: janv 22

Les Banshees d’Inisherin

A l’écart du tumulte

Moi, à l’idée de commencer 2023 avec un film de  Martin McDonagh, le génial réalisateur de 3 Bilboards, les panneaux de la vengeance, ne pouvait que me réjouir. 114 minutes plus tard mon enthousiasme n’est pas retombé. Quelle merveille ! Sur Inisherin – une île isolée au large de la côte ouest de l’Irlande – deux compères de toujours, Padraic et Colm, se retrouvent dans une impasse lorsque Colm décide du jour au lendemain de mettre fin à leur amitié. Abasourdi, Padraic n’accepte pas la situation et tente par tous les moyens de recoller les morceaux, avec le soutien de sa sœur Siobhan et de Dominic, un jeune insulaire un peu dérangé. Mais les efforts répétés de Padraic ne font que renforcer la détermination de son ancien ami et lorsque Colm finit par poser un ultimatum désespéré, les événements s’enveniment et vont avoir de terribles conséquences. Le scénario a été primé à Venise et c’est parfaitement mérité. Mais il n’y a pas que le scénario qui soit remarquable dans ce drame, la réalisation dans ses moindres détails et l’interprétation sont formidables.

Le titre du film fait référence à une figure fantomatique légendaire de la mythologie irlandaise qui pleure la nuit pour annoncer une mort dans les environs. Ce huis clos en plein air est étouffant. Les personnages peuvent nous paraître étranges, en tout cas mûs par des sentiments souvent éloignés des nôtres. L’île est réduit à un microcosme imperméable à toutes les influences venues du continent pourtant si proche, où, pourtant, une guerre civile fait rage. Mais seuls parviennent jusqu’aux côtes d’Inisherin quelques explosions lointaines et étouffées. Tout est ici impeccables les costumes, les accessoires, les décors et les paysages sauvages. Mais surtout c’est le casting qui emporte tous les suffrages. Un grand film pour cette rentrée.

Colin Farrell a lui aussi était primé à Venise. Son affrontement avec l’immense Brendan Gleeson vaut à lui seul de se précipiter pour découvrir ce film. A leurs côtés on remarque surtout Kerry Condon et Barry Keoghan, Cette fable d’une amitié perdue est cynique, cruelle, violente, mais aussi mélancolique et tellement attachante qu’on est envoûté de bout en bout. Un drame de la solitude et de l’isolement qui vous hante bien après le mot fin. Il FAUT faire le voyage pour cette Irlande profonde aussi magnifique que tragique. Déchirant !

Un autre monde

J’aime les gens qui doutent, les gens qui trop écoutent leur cœur se balancer
J’aime les gens qui disent et qui se contredisent et sans se dénoncer…

Et moi, j’aime le cinéma de Stéphane Brizé. J’ai choisi de mettre en exergue de cette chronique deux vers de la chanson, Les Gens qui doutent, d’Anne Sylvestre, au son de laquelle se déroule le générique à l’issue de ces  96 minutes aussi révoltantes que bouleversantes. Un cadre d’entreprise, sa femme, sa famille, au moment où les choix professionnels de l’un font basculer la vie de tous. Philippe Lemesle et sa femme se séparent, un amour abimé par la pression du travail. Cadre performant dans un groupe industriel, Philippe ne sait plus répondre aux injonctions incohérentes de sa direction. On le voulait hier dirigeant, on le veut aujourd’hui exécutant. Il est à l’instant où il lui faut décider du sens de sa vie. On n’a pas de mots assez forts pour décrire le malaise que l’on ressent devant cette nouvelle démonstration du cynisme du monde de l’entreprise qui broie ce qui la servent, du haut au bas de l’échelle. Un constat cruel mais, hélas, réaliste.

Ce drame rend compte des conséquences du travail de ceux qui sont considérés comme le bras armé de l’entreprise mais qui sont simplement des individus pris entre le marteau et l’enclume. Le film met en scène la perte de sens de la vie d’un cadre d’entreprise qui, en même temps que son mariage s’effondre, a de plus en plus de difficultés à trouver de cohérence dans un système qu’il sert pourtant fidèlement depuis des années. De nombreux cadres témoignent d’une vie personnelle et professionnelle à laquelle ils parviennent de moins en moins à donner un sens parce qu’on ne leur demande plus notamment de réfléchir mais simplement d’exécuter. Cette fois, Brizé n’a pas opté pour une mise en scène visant à capter le réel, il a voulu au contraire  réintroduire un degré de fiction beaucoup plus important. Que ce soit dans l’intime ou le professionnel, sa caméra virtuose, toujours placée au plus près des personnages, ne rate pas un instant, un souffle, un regard, un silence et nous fait pénétrer l’âme de ses personnages. Le cinéma intimiste porté à son sommet.

Après Mademoiselle Chambon, Quelques heures de printemps, La Loi du marché et En guerre, Vincent Lindon retrouve ici son réalisateur fétiche. C’est, on le sait depuis longtemps un acteur majuscule qui sait, encore une fois, traduire la sensation d’encerclement et d’enfermement de son personnage. Sandrine Kiberlain, – mariée à Lindon de 1998 à 2003 -, est impeccable, alors que la nature des liens passés, résonne d’une manière particulière dans ce qu’elle a ici à jouer. Anthony Bajon, qui confirme de film en film son talent. Ici dans le rôle casse-gueule d’un ado, symptôme à la fois des dysfonctionnements de la famille et de notre société, celui qui veut être à la hauteur du désir de sa famille et de son environnement mais qui explose en vol en faisant ce qu’on appelle une décompensation. Marie Drucker, qui a abandonné il y a quelques temps son métier de journaliste, se confronte pour la 1ère fois avec le grand écran et s’en sort parfaitement. Après En guerre et La Loi du marché, ce film semble refermer un triptyque qui scrute les trois périodes clés témoignant des mécanismes de destruction des emplois en même temps que leurs conséquences humaines. Un drame social qui continue de faire de Stéphane Brizé le Ken Loach français.  

La cité de la peur

Tout est bruit pour qui a peur.

Sophocle aurait certainement apprécié ce florilège thématique des petites phrases de la semaine : Tout le monde fait peur à tout le monde,Zemmour, le révélateur d’une France qui a peur, – Zemmour, le candidat de la peur, (triptyque signé Mélenronchon), Jadot le tiède fait dans l’analyse : il y a deux façons de gérer la peur, ou encore venant de tous bords, Marine le Pen et le discours de la peur, – Valérie Pécresse veut que la peur change de camp… j’en passe et des plus… terrifiants. Il ne s’agit donc pas de slogans vantant un quelconque film d’épouvante, mais de témoignages de l’angoisse généralisée planant au dessus de notre pays. Sentiment d’autant plus partagé que le pouvoir en place entretient savamment ce sentiment à des fins stratégiques beaucoup plus politiques que sanitaires.

Aujourd’hui, nos politiques, – avec la complicité béate des médias -, agitent cette peur, nous jettent la menace au visage pour nous forcer, par pur réflexe défensif, à fermer les yeux et à les suivre ainsi en aveugle. Mais refuser notre libre arbitre, c’est faire partie du grand troupeau craintif. (V.Olmi) En espérant trouver un apaisement, nous entrons en soumission, nous nous condamnons à l’ignorance et passons à côté de nos vrais choix. Ne pas abdiquer, préférer les questions aux réponses, croire en notre force morale, doivent nous aider à ignorer les gros titres épouvantés d’une campagne électorale incapable de nous offrir la moindre lueur d’espoir.

Nightmare Alley

Somptueusement baroque

Après La Forme de l’eau, Crimson Peak, ou Pacific Rim, on se dit qu’il ne fait pas bon rater un film du mexicain Guillermo del Toro. Ces 150 minutes ne me démentiront pas. Alors qu’il traverse une mauvaise passe, le charismatique Stanton Carlisle débarque dans une foire itinérante et parvient à s’attirer les bonnes grâces d’une voyante, Zeena et de son mari Pete, une ancienne gloire du mentalisme. S’initiant auprès d’eux, il voit là un moyen de décrocher son ticket pour le succès et décide d’utiliser ses nouveaux talents pour arnaquer l’élite de la bonne société new-yorkaise des années 40. Avec la vertueuse et fidèle Molly à ses côtés, Stanton se met à échafauder un plan pour escroquer un homme aussi puissant que dangereux. Il va recevoir l’aide d’une mystérieuse psychiatre qui pourrait bien se révéler la plus redoutable de ses adversaires… Adaptation du roman Le Charlatan de William Lindsay Gresham, publié en 1946, cette fresque est un monument entre Freaks et les grands films noirs de la grande époque d’Hollywood. Un imaginaire visuel incroyable au service d’un scénario hors norme est d’un casting +++.

Tout est réuni dans ce conte monstrueux, du thriller somptueux, sinueux et vénéneux à souhait, à la blonde fatale en passant par les bonimenteurs interlopes, les fausses magiciennes et des décors extravagants. Le sens du spectacle et de la tragédie est porté au sommet par Del Toro qui explore avec délectation l’horreur et la monstruosité du genre humain. La photographie, les décors, les costumes, font de ce film noir un chef d’œuvre éblouissant. Echec fracassant au box-office US, cette énorme machinerie dérange car, confronté à l’écran-miroir, il est sans doute plus facile pour le grand public d’aller se promener de l’autre côté que de faire face à la nature humaine dans ce qu’elle a de plus vertigineux et de plus vil. A voir absolument.

Bradley Cooper est énorme et tient sans doute là, un de ses tout meilleurs rôles. Les 3 femmes de l’histoire sont campées pour notre plus grand plaisir par Cate Blanchett, Toni Collette et Rooney Mara. Côté hommes, ce n’est pas mal non plus avec William Dafoe, Richard Jenkins et Ron Perlman. Je l’ai dit, casting somptueux pour un film qui ne l’est pas moins, sublimé par la musique de Nathan Johnson. Gothique, baroque, démesuré, un carnaval de l’horreur humaine. Horriblement beau !  

Placés

Non : gagnants !

1er film de Nessim Chikhaoui, scénariste de la déplorable saga des Tuches et du pitoyable Doudou… D’emblée, ça ne partait pas très fort pour ces 111 minutes qualifiées de comédie dramatique. Parce qu’il a oublié sa carte d’identité, Elias ne peut passer les épreuves du concours d’entrée à Sciences Po. À la recherche d’un job en attendant de pouvoir se présenter à nouveau, il devient éducateur dans une Maison d’Enfants à Caractère Social. Comme quoi, une fois de plus il ne fait jamais céder à ses a priori. Voilà un vrai feel good moviequi sait dénoncer – non sans humour -, la situation difficile dans laquelle sont plongés les « cassos », comprenez les « cas sociaux ». Un sujet grave traité avec subtilité et grâce, mais sans optimisme béat. A voir !

Notre réalisateur et coscénariste, ancien éducateur spécialisé, a voulu aborder la thématique des Maisons d’Enfants à Caractère Social (MECS) de manière moins sombre que dans la plupart des films sociaux français. En montrant qu’il peut y avoir aussi de la vie, de la joie, de la bonne humeur, sans pour autant occulter les moments difficiles. Là où il serait facile de verser dans le pathos ou misérabilisme, il réussit une comédie, certes bourrée de bons sentiments, – et alors, pourquoi serait-ce systématiquement un reproche ? -, mais qui sonne juste et nous apprend beaucoup sur ces jeunes très difficiles récupérés dans ce type de structure lorsque les familles d’accueil « craquent ». Il réussit à merveille le mélange entre la gaieté de l’enfance et la dureté de la réalité. Un film lumineux au message humaniste et touchant.

Shaïn Boumedine, au charisme indéniable et Nailia Harzoune, espiègle et mystérieuse, sont incontestablement des découvertes. Julie Depardieu, Philippe Rebot, Smaïn, – qu’on retrouve avec plaisir -, Aloïse Sauvage et Moussa Mansaly complètent le haut de l’affiche.  Mais n’oublions pas les jeunes Victor Le Fèvre, Lucie Charles-Alfred, Syrine, tous remarquables. Une morale à tirer de cette très belle comédie dramatique : « les seules batailles qu’on est certain de perdre sont celles qu’on ne mène pas ». Allez voir le film, vous comprendrez mieux ma conclusion.

Le Diable n’existe pas

Diabolique… c’est le cas de le dire

En 2017, Un homme intègre de l’iranien Mohammad Rasoulof n’était pas passé inaperçu puisqu’il a reçu le prix Un Certain Regard au Festival de Cannes. Cette fois, avec ces 152 minutes, il a mérité l’Ours d’Or à Berlin. Iran, de nos jours. Heshmat est un mari et un père exemplaire mais nul ne sait où il va tous les matins. Pouya, jeune conscrit, ne peut se résoudre à tuer un homme comme on lui ordonne de le faire. Javad, venu demander sa bien-aimée en mariage, est soudain prisonnier d’un dilemme cornélien. Bharam, médecin interdit d’exercer, a enfin décidé de révéler à sa nièce le secret de toute une vie. Quatre récits inexorablement liés, au cœur d’un régime despotique où la peine de mort existe encore, des hommes et des femmes se battent pour affirmer leur liberté. Scénario somptueux et interprétation remarquable. Un très grand film.

Décidément, le cinéma iranien est au sommet. Après l’incroyable La loi de Téhéran, voilà 4 histoires qui a priori n’ont rien à voir sauf qu’elles parlent de la peine de mort et surtout du refus de tuer ses semblables dans l’Iran moderne. Mais Rasoulof a l’extrême intelligence de placer le curseur non pas sur l’oppression, mais sur ceux qui communient dans la résistance morale. Le scénario implacable nous propose une réflexion explosive sur l’insoumission, sur le dilemme moral et la responsabilité individuelle. Tour à tour récit familial, thriller d’action, romance ou tragédie intime, ce plaidoyer est d’autant plus habile qu’il met en scène des bourreaux qui sont des citoyens ordinaires chargés des exécutions des condamnés. Tous appartiennent à un peuple rendu muet et soumis par une des pires dictatures de la planète. Ces quatre contes cruels ne répondent à aucune question mais laissent chacun juge. Bouleversant.

Le casting 100 % iranien avec Ehsan Mirhosseini, Shaghayegh Shourian,  Kaveh Ahangar, Alireza Rareparast… – la distribution est pléthorique -, est au diapason des ambitions du réalisateur assigné à résidence par le gouvernement des mollahs. Ce chef d’œuvre prouve, s’il en est encore besoin, qu’on n’enferme pas un esprit inventif et déterminé comme celui de Rasoulof. Un film magistral !

Prénoms à la con

Avant de choisir le prénom d’un garçon pensez à la femme qui aura à le murmurer plus tard. (J. Barbey d’Aurevilly)

Alors que certains bas de plafond engagent des polémiques aussi vaines qu’honteuses autour de prénoms, on vient d’apprendre qu’un garçon a vu le jour à l’hôpital de Copiapó, dans le désert d’Atacama au Chili et il se prénomme Griezmann M’Bappé !!! Et sachez que ça n’est pas une première puisqu’en novembre 2018, un bébé répondant au même prénom était né à Brive. La justice française avait retoqué le prénom, et le garçon était devenu plus classiquement Dany Noé.

Mais, pour pousser le bouchon un peu plus loin, il suffit de consulter L’Almanach des noms de baptême pour y trouver des noms de saints et de saintes parfaitement authentiques  – sinon ce ne serait pas drôle -, qui feront honneur à notre beau pays. Petit florilège : Pour les garçons, nous avons en magasin : Théopempte, Prisque, Canut, Télesphore, Hygen, Tigre, Michée, Poppon, Sénateur, Autrusclin, Coluberne, Verecond, Carpophore, Pelée, Secondule, Carpe, Acydin, Gériberne, Satyre, Ajute, Cyr, Avauque, Outrille, Métrophane, Hésyque, Syndulphe, Scrufaire, Euprépice, Eutichien, Vérule, Ours, Amateur ou Curcodème. Quant aux filles, elles ne sont pas en reste avec Synclétite, Monorate, Claphyre, Faine, Faticune, Macrine, Wéréburge, Rictude, Pode, Potamienne, Symphorose, Primitive, Grinconie, Grotide, Ghélidoine, Brictule, Folioule, Milburge, Hérénie, Nymphodore, Quartille, Burgondofore, Godeberte,, Engratie, Persévérane, Mutiole, Myrope, Syngoulène, Scrybiole, Matrone, Aphiodise ou Cascentienne… Merci Mister Z. Personnellement je préfère, Leila ou Malik. Et vous ?

Les Leçons persanes

Histoire d’un mensonge

J’avoue ne jamais avoir vu de films signés par Vadim Perelman. Ces 127 minutes haletantes qui nous racontent l’histoire d’un mensonge sont basées sur une nouvelle intitulée Invention d’une langue. 1942, dans la France occupée, Gilles est arrêté pour être déporté dans un camp en Allemagne. Juste avant de se faire fusiller, il échappe à la mort en jurant aux soldats qu’il n’est pas juif mais persan. Ce mensonge le sauve momentanément puisque l’un des chefs du camp souhaite apprendre le farsi pour ses projets d’après-guerre. Au risque de se faire prendre, Gilles invente une langue chaque nuit, pour l’enseigner au capitaine SS le lendemain. La relation particulière qui se crée entre les deux hommes ne tarde pas à éveiller la jalousie et les soupçons des autres… Convaincant, bouleversant, on sort de là, chaviré d’émotion… et de bonheur d’avoir vu un bon film au sujet original et sacrément bien interprété.

Pour ce film très réaliste, le réalisateur et les scénaristes ont effectué des recherches approfondies pour savoir à quoi ressemblaient les camps de transit – combien de temps les personnes y restaient, etc.- Ils se sont également inspiré d’un camp appelé Natzweiler Struthof, situé entre la France et l’Allemagne, dans le nord-est de l’Hexagone. – A cet effet, on aurait pu éviter de filmer les portes d’entrée du tristement célèbre camp de Buchenwald -. Certains seront sans doute gênés par le fait que le film fasse ressentir de l’empathie pour l’officier allemand qui tente d’apprendre le farsi. Mais, on peut saluer la volonté de ne pas systématiquement montrer les Nazis comme des robots, des automates hurlants, pressés, horribles et diabolisés, mais comme des personnages plus complexes, avec leurs amours, leur jalousie, leurs trahisons, leurs faiblesses, ce qui, d’une certaine manière, rend leurs actes encore plus terrifiants. Ce drame oscille en permanence entre une réalité froide, terrifiante et la fiction, sans qu’on ne sache jamais la part de l’une et de l’autre. Peut-être inconfortable mais parfaitement assumé et réussi. « Improbable » diront les uns, « passionnant » diront les autres dont je suis.

L’immense talent de Nahuel Perez Biscayart découvert dans 120 battements par minute et Au revoir là-haut est ici plus que confirmé. En plus de cette présence tout en subtilité et fragilité s’imposait du fait qu’il parle couramment allemand, italien, espagnol et français. Mais, pour moi, la grande découverte reste l’acteur allemand Lars Eidinger, dans une partition trouble et complexe. D’ailleurs toute la distribution est à féliciter sans oublier l’apport indéniable de la musique des frères Galpérine. Bref, l’histoire tient grâce au duel que se livrent deux comédiens exceptionnels qui nous tiennent en haleine jusqu’au générique de fin d’un film qui regarde cette période terrifiante par un bout de la lorgnette rarement utilisé. A voir absolument.

L’amour c’est mieux que la vie

Jubilé

Eh oui, voilà le 50ème film réalisé par Claude Lelouch du haut de ses 84 ans. Pour le reste, ces 115 minutes plutôt agréables, n’apportent pas grand-chose de nouveau à sa filmographie et à l’histoire du 7ème Art. Les trois A : L’AMOUR, L’AMITIÉ et L’ARGENT sont les trois principales préoccupations de l’humanité. Pour en parler le plus simplement possible, Gérard, Ary et Philippe ont fait connaissance il y a 20 ans, à leur sortie de prison, et se sont tout de suite posé la vraie question : Et si l’honnêteté était la meilleure des combines ? Aujourd’hui, ils sont inséparables et scrupuleusement vertueux… Mais Gérard apprend qu’il souffre d’un mal incurable. Le sachant condamné, Ary et Philippe veulent lui offrir sa dernière histoire d’amour… car Gérard a toujours répété que l’amour c’était mieux que la vie. Réalisation virtuose, dialogues très écrits, belle direction d’acteurs, mais, mon Dieu, que de pathos ! Du Lelouch pur jus.

Lelouch a beau avertir dès le générique avec cette jolie formule comédie pas si dramatique que ça… et malgré un vrai savoir-faire dans le ton de la comédie et de la légèreté, il ne peut pas s’empêcher de faire dans le tire-larmes. Et là, il ne lésine pas sur les moyens. Jusqu’à ce dialogue pathétique entre le héros – Darmon -, qui se sait en phase terminale et Robert Hossein, lui condamné dans la vraie vie. L’émotion est là, mais putassière, donc désagréable. A part cet énorme bémol, le film se laisse voir, – malgré les nombreux et complaisants rappels d’extraits des anciens films du patron. Ça sent le testament… Pourtant – et c’est la seule vraie innovation de ces deux heures, – on nous annonce le 2ème volet du triptyque envisagé mais en inscrivant à l’écran son casting !!! Mais comme le chantait Gabin  le jour où quelqu’un vous aime, il fait très beau … Il y a pire comme morale.

Comme toujours aussi chez Lelouch, les acteurs ont la part belle. La formidable Sandrine Bonnaire illumine chaque scène où elle apparaît. Gérard Darmon, Ari Abitan, Philippe Lelouche, Kev Adams, s’en sortent très bien dans des rôles en or. Le duo éphémère Clémentine Célarié / Dominique Rabourdin est très drôle. On note les présences de Béatrice Dalle, Elsa Zilberstein, ainsi que de Candice Patou et son époux dans la vie, Robert Hossein, qui tient ici son ultime rôle. Cela posé, c’est un vrai film de confinement tourné en 2020 d’où le huis clos à Montmartre que l’on a tenté – vainement – d’aérer de manière totalement artificielle avec un pseudo tour du monde en images festives et planétaires. Lelouch, arrête de nous prendre pour des gogos. Quand on a ce talent de cinéaste, cette faculté à raconter de belles histoires, cette aptitude à diriger les acteurs et les actrices et même à les sublimer par instant, on se doit d’éviter toutes ces grosses ficelles qui finissent par indisposer le spectateur et lui faire oublier l’essentiel. Dommage.  

Le miracle n’aura pas lieu

On ne doit pas compter sur le miracle. (Extrait du Talmud)

En mars  2020, le repli chez soi avait l’avantage de l’inédit et de l’expérience partagée par tous. Par contre, ce début d’année a un fort arrière-goût de lassitude voire d’épuisement. Face aux rois du contretemps qui nous gouvernent, on ne risque pas de voir de sitôt le « bout du tunnel » promis, annoncé mais sans cesse repoussé. Comme le dit un proverbe japonais : Les bonnes doctrines peuvent se passer de miracles. Or, on ne peut que douter de la doctrine du tout vaccinal – on ne m’ôtera pas de l’idée qu’il est étrange de constater que plus il y a de vaccinés plus il y a de contaminations ??? -, tout autant que ne plus croire à un très hypothétique miracle qui nous rendrait une vie « normale »… Encore faut-il savoir ce qui se cache derrière ce qualificatif. Depuis le forcing gouvernemental à pousser les français à se faire vacciner coûte que coûte, donc, depuis juillet dernier et l’instauration du pass sanitaire qui arrivait dans un calme plat, on a vu les tests devenir payants, puis la mise en place du pass vaccinal pour demain, au moment où tout nous dit que le plus dur est passé, et ce malgré les efforts quotidiens du pouvoir pour nous faire croire le contraire [cf ma chronique du 19 janvier]. Entre Olivier Variant qui soigne son Covid, Mr « Protocole en folie » qui sévit rue de Grenelle et Toutenmacron lancé à plein régime vers son objectif présidentiel, ne vous attendez à aucun relâchement de leur part, sauf, sans doute, peu de temps avant le 1er tour du 10 avril. Histoire de faire sonner un éventuel retour des libertés comme un argument électoral de plus.

Tiens, parlons-en de la campagne électorale. Nos politiques sont pitoyables. On les voit – même s’ils – et elles – s’en défendent – l’œil rivé sur les sondages, obnubilés qu’ils  – et elles – sont par des calculs, des tactiques, des stratégies sans voir ni entendre l’immense attente qu’il y a dans ce pays. La vie de nos sociétés ne pourra pas se résumer éternellement aux taux de croissance, aux cours de la Bourse, à une consommation boulimique, à la compétitivité aveugle… bref à un égoïsme ravageur. A combien faut-il chiffrer tous ces excès ? Je l’ignore mais, pour moi, le résultat est proche de Zéro. Rien ne rend plus mélancolique que ce tapage de discours creux, (J.C. Guillebaud) face auquel, heureusement, on voit s’articuler un discours critique et une forte exigence de ceux et celles qui ont tenu notre pays à bout de bras durant tout ce temps de crise. Je n’en veux pour preuve que cette table ronde organisée très récemment à Bordeaux sous le titre la Fraternité est-elle possible en politique ? Thème on ne peut plus d’actualité, invités prestigieux et très large public, prouvant, s’il en est encore besoin, l’appétence de ceux qui réfléchissent encore pour le débat… et la fraternité. L’attente est là, réelle, sera-t-elle exaucée ? Alors sachons faire mentir le proverbe qui proclame : Qui se nourrit d’attente risque de mourir de faim.