Archives de Tag: juin 21

Médecin de nuit

Noir c’est noir

Elie Wajeman s’est fait remarquer en 2015 avec son film Les Anarchistes. Il nous revient avec ces 82 minutes pour résumer une nuit d’un homme coupé en deux et dont on partage les doutes et les peurs. Mikaël est médecin de nuit. Il soigne des patients de quartiers difficiles, mais aussi ceux que personne ne veut voir : les toxicomanes. Tiraillé entre sa femme et sa maîtresse, entraîné par son cousin pharmacien dans un dangereux trafic de fausses ordonnances de Subutex, sa vie est un chaos. Mikaël n’a plus le choix : cette nuit, il doit reprendre son destin en main. L’unité de temps donne toute sa force à ce thriller haletant incarné par un casting parfait. Du très bon cinéma.

A travers l’anecdote, Wajeman dresse un portrait ultra réaliste de Paris la nuit. Cela nous offre – car c’est un cadeau -, un film noir tendu, nerveux dans lequel un homme doit résoudre sa vie en une nuit, sinon tout ce qu’il a construit s’écroulera. Le héros est sans cesse en équilibre instable entre deux femmes, entre deux médicaments, entre deux dangers, entre deux rendez-vous, entre douceur et violence… Le spectateur est irrésistiblement entraîné dans les hésitations et les atermoiements de ce médecin qui pourrait être comme beaucoup d’autres, mais qui, à force de petites compromissions, se retrouve prisonnier d’un écheveau inextricable. Un scénario en béton, une photo magnifique, l’excellente musique des frères Galpérine et une distribution fiévreuse d’une incroyable justesse… un excellent film noir à la française digne des polars américains des années 60/70.

Vincent Macaigne, – je l’ai déjà souligné ici -, est un de nos grands acteurs. Pour la 1ère fois, on lui a proposé le rôle d’un homme dur, presque minéral, mais, dont la fragilité apparaît à chaque instant. Un rôle complexe pour un immense comédien. A ses côtés, Sara Giraudeau, Pio Marmai et Sarah Le Picard, sont tout aussi parfaits. Ce troisième long-métrage confirme le talent du réalisateur à créer des ambiances et à raconter des histoires fortes, ce qui fait de lui un cinéaste à suivre de près.

Le monde « d’avec ».

Laissez-moi rire !

Il y a un an, nos politiques, nos élites, nos philosophes n’avaient qu’une formule à la bouche : « le monde d’après ». Quel serait-il ? Quel impact utile la pandémie laisserait-elle une fois vaincue ? Notre monde serait-il meilleur – ou, à tout le moins, moins mauvais – ? Les « blouses blanches » s’affrontaient sur le thème : faut-il atteindre le « zéro-covid » pour reprendre une vie normale ? Ou bien faudra-t-il envisager de vivre, – et pendant longtemps encore – avec ce fichu virus dans l’air ? En tout cas, à aucun moment, quelqu’un osait parler d’un simple retour au « monde d’avant ». Et pourtant !

Toutes les spéculations de 2020 sur un monde plus juste et une économie plus durable, ont été inexorablement balayées par la réalité. Les déséquilibres – sociaux, environnementaux, financiers – entre le Nord et le Sud, qui sévissent depuis bien trop longtemps, sont toujours là et vont même en s’aggravant. Dans notre pays, on se dit que la campagne pour la prochaine présidentielle pourrait devenir une bonne occasion d’y réfléchir, de faire des propositions concrètes, d’oser enfin de vraies solutions… Mais à constater la consternante médiocrité du discours politique actuel, on se berce d’illusions qui, sans surprise, seront irrémédiablement déçues. Car nos « illusionnistes » ivres d’ambition personnelle, ne pensent à aucun moment au bien commun et à un avenir meilleur. Le seul « avenir meilleur » qu’ils sont capables d’envisager, c’est celui où ils seraient élus. Pour cela, – et pour cela seulement -, on peut leur faire confiance. Tous les coups – même les plus bas -, seront permis, du mensonge éhonté à la calomnie sordide, ils ne nous épargneront rien. Et dîtes-vous bien que le monde d’après ressemblera furieusement au monde d’avant. Qui sème l’illusion récolte la souffrance. (Dicton israélien)

     

Opération Portugal

Même la morue est indigeste

Certes, je suis allé voir la comédie (?) de Frank Cimière sans aucune illusion. Je m’attendais à un navet pathétique… Mission accomplie. Et comment ! Hakim, 35 ans, sympathique flic de quartier d’origine marocaine, doit infiltrer la communauté portugaise pour les besoins d’une enquête. Mais peut-on devenir Portugais en trois jours ? Surtout quand on sait qu’en intervention Hakim est une catastrophe ambulante. Sa maladresse et sa malchance transforment ses nombreuses initiatives en cataclysmes. Le costume est clairement trop grand pour lui ! Rapidement pris au piège entre ses sentiments et sa mission, Hakim, qui vit seul avec sa mère, va découvrir une communauté, mais aussi une famille. Quand on pense que ça dure 90 minutes. On se demande ce qu’on fait là, mais je suis un spectateur du genre persévérant, j’espère toujours un instant de grâce, un gag réussi, un dialogue amusant… Bref une idée ! Mais là, c’était trop demandé. Atteindre le vide sidéral à ce point, c’est du rarement vu. Un nanar de compétition.

Tout le film repose sur la performance (?) d’un comique (?) en vogue, émanation du Djamel Comedy Club. Il a son public, ses fans, ses inconditionnels et la production mise là-dessus pour faire des entrées. Je crains fort que lesdites entrées soient de sortie car il n’y a vraiment rien à sauver de ce naufrage. C’est un 1er film…mais ça n’est jamais une excuse à la médiocrité. Le scénario (?) – oui je sais, je multiplie les « ? », mais je me pose toujours beaucoup de questions quand un film est aussi navrant -, repose en entier sur un sketch à succès de la tête (?), d’affiche. Donc, on étire jusqu’à plus soif une histoire abracadabrante, basée sur des clichés éculés et un manque de talent d’écriture aveuglant. On peut rater un film, mais à ce point ??? Ça relève soit du pari, soit de l’inconscience.

Les chiffres qui précèdent la renommée de D’Jal sont ahurissants avec entre autres, 20 millions de vues sur Youtube pour la vidéo de son sketch le plus connu, Le Portugais – nous y voilà -. Je ne connais pas le sketch en question, mais ici ça ne décolle jamais, c’est mou du genou, sans rythme, d’une laideur à faire frémir et pas forcément très bien joué. Un must ! Avec la « star », on remarque Sarah Perles, Pierre Azéma, et le numéro outré et indigeste de Farida Ouchani. A éviter de toute urgence, à moins qu’on considère que ça étalonne beaucoup plus haut dans la qualité certaines de nos comédies franchouillardes qu’on a tendance à éreinter parfois un peu trop vite. Un étalon de la bêtise qui devrait être déposé rapidement au Pavillon de Sèvres.

Joe Planplan et les GAFAM

On a notre réponse

Durant la campagne électorale plus que houleuse qui a précédé le scrutin américain de novembre dernier, tout comme pendant le trop long laps de temps qui a séparé ledit scrutin de la prise de pouvoir effective et donc de l’installation du nouvel élu à la Maison-Blanche, beaucoup se sont demandés quelle serait la position de Biden vis-à-vis des géants du numérique. On a enfin notre réponse, même si, à mon avis, elle est passée un peu trop inaperçue dans les médias. Notre Jojo vient de nommer Lina Khan présidente de la Federal Trade Commission (FTC), le gendarme américain de la concurrence. A 32 ans, elle devient d’ailleurs la plus jeune – et de loin – à ce poste.

Bon ! Allez-vous me dire, il n’y a pas de quoi se relever la nuit. Eh bien si ! Car cette jeune femme, juriste de formation, est considérée comme le cauchemar des GAFAM. Rappelons que la FTC a été créée pour préserver la concurrence loyale et protéger les consommateurs, les travailleurs et les entreprises honnêtes contre les pratiques déloyales et trompeuses. Vaste programme comme s’était écrié le général de Gaulle face à un graffiti qui claironnait Mort aux cons ! Google, Apple, Facebook et Amazon, qui font déjà face à plusieurs poursuites pour abus de position dominante, vont avoir fort à faire si la loi anti-trust est enfin appliquée aux USA. Et c’est bien ce que s’est promis de faire la dénommée Linda Khan. On en reparlera sûrement.

L’apathie démocratique

France, ton café fout le camp

Cet avertissement, prononcé en 1773 par Jeanne Bécu – plus connue sous le nom de Comtesse Du Barry -, s’adressait à un Louis XV vieillissant qui aimait à passer son café lui-même. On est donc loin de la citation à caractère politico-historique. Et pourtant, je la ferai volontiers mienne quand je vois à quel point de délitement démocratique en est arrivé mon pays. Il y a une semaine, au matin du 1er tour du scrutin, j’avais déjà mis en garde contre une abstention massive. Hélas, ma crainte s’est avérée au-delà de toutes mes craintes. Le seul point positif, c’est que les analystes nous disent que c’est le RN, la principale victime de cette désertion électorale. Mais, hélas, je n’arrive même pas à m’en réjouir car, et cette fois je citerai Albert Camus, Faites attention, quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles. Quand il n’y a plus d’idée, il n’y a plus d’idéologie, donc plus d’identification possible. La classe politique, à force d’égocentrisme et d’exacerbation des ambitions personnelles, ne parle plus à personne et cette semaine de tractations poussives n’aura fait qu’ajouter encore à l’émiettement des partis qui ne savent plus à quel électeur se vouer. Macron l’avait voulu : éclater le régime des partis façon puzzle, il a réussi au-delà de toutes ses espérances. Et maintenant ??? Parmi les sujets proposés à ce qui reste du bac philo, il en est un qui m’interpelle : Sommes- nous responsables de l’avenir ? 2/3 des français – dont une forte majorité de jeunes -, y ont répondu à leur manière dimanche dernier…

Anastasie veille au grain

On n’a plus le droit de rire de tout

Une jeune humoriste d’Europe 1, Christine Berrou, vient d’en faire l’amère expérience. Obligée de soumettre ses chroniques au regard plus qu’attentif – pour ne pas dire critique -, de sa hiérarchie avant le passage à l’antenne, elle s’est vu priée de retirer la petite histoire suivante : en clin d’œil à la fête des pères, elle a imaginé un dialogue entre une institutrice et ses élèves. On va faire des colliers de nouilles. Non, mon papa il est allergique au gluten ! Bon alors on va faire des porte-clefs en cuir. Non, mon papa il est vegan, il ne porte pas de cuir ! Bon alors on va dessiner des bonshommes qui sourient. Non mon papa c’est Eric Zemmour, il n’aime pas les gens heureux… Devinez pourquoi la censure a frappé. On craignait les réactions violentes des allergiques ou des végan ? Point du tout… Alors, vous avez deviné : cela signifie qu’une personne dangereuse est en train de devenir intouchable… Et que la station radio en grosse perte de vitesse, tombe aux mains de Bolloré qui prévoit de l’associer à la chaîne d’infos – le mot est ici galvaudé -, CNews, n’est plus une surprise. Et ce n’est qu’un début, le CSA a déjà fait des remontrances au Fox News français, considérant qu’elle donne beaucoup trop la parole au RN. Le ver est dans le fruit. CQFD ! La censure épargne les corbeaux et s’acharne sur les colombes. (Juvénal)

Cruella

Luxueuse playlist

Il aura fallu pas moins de 6 scénaristes pour écrire ce prequel des 101 Dalmatiens, annoncé dès 2013 par les Studios Disney et qui, après moult rebondissements et vicissitudes, arrive enfin sur nos écrans. C’est Craig Gillespie qui est à la manœuvre – Cruella 2 est déjà prévu pour 2023 !!! -. 134 minutes inventives, aussi épuisantes qu’ébouriffantes. Londres, années 70, en plein mouvement punk rock. Escroc pleine de talent, Estella est résolue à se faire un nom dans le milieu de la mode. Elle se lie d’amitié avec deux jeunes vauriens qui apprécient ses compétences d’arnaqueuse et mène avec eux une existence criminelle dans les rues de Londres. Un jour, ses créations se font remarquer par la baronne von Hellman, une grande figure de la mode, terriblement chic et horriblement snob. Mais leur relation va déclencher une série de révélations qui amèneront Estella à se laisser envahir par sa part sombre, au point de donner naissance à l’impitoyable Cruella, une brillante jeune femme assoiffée de mode et de vengeance … Des idées visuelles à la pelle, un scénario qui sent un tantinet le déjà-vu, un rythme asphyxiant, 20 bonnes minutes de trop, un casting XXL et surtout une bande son, certes de qualité, mais envahissante ad nauseam. Bref, il y a à prendre et à laisser pour ce retour du blockbuster sur nos écrans.

Ce qui vous reste à la sortie de cet énorme machin, c’est la musique – de  Supertramp à Nina Simone, en passant par Ike/Tina Turner, Clashs ou encore les Stones – qui ne s’arrête pas un seul instant, allant parfois jusqu’à couvrir les dialogues, rares mais extrêmement brillants. Un peu d’histoire : Cruella d’Enfer – Cruella de Vil de son vrai nom – est née dans les années 1950 : elle a d’abord été un personnage de littérature jeunesse créé par Dodie Smith dans son livre Les 101 dalmatiens en 1956. On a tous en mémoire ce que Disney – déjà – en avait fait dans son dessin animé de 1961. – Je passerai pudiquement sous silence ses avatars,  Les 101 Dalmatiens et sa suite Les 102 dalmatiens ??? -. Ici, on est face à l’exemple même de l’anti-héroïne. Car tout le monde, dans cette histoire, rivalise de méchanceté. Ce sont les JO de la cruauté. Donc, bien que victime, on a du mal à entrer en empathie avec Cruella, même quand elle s’appelle encore Estella. Bon, là-dessus, on voit bien les 100 million de dollars de budget. Des costumes fastueux, des effets visuels réussis, 130 décors, de la bagnole de luxe à qui mieux-mieux… et un casting qui n’a pas dû laisser sa part au chat – ou aux chiens, fort nombreux dans ce film, sauf, paradoxalement, les dalmatiens, il n’y en que 3 ! Ça fait presque pauvret -. Bon, résumons. Du très bon spectacle familial, avec ses doses d’humour, de fantastique et d’émotion. Succès assuré au point que la suite est déjà en tournage… En espérant qu’elle sera un poil moins assourdissante.  

Emma Stone, déchaînée, fait un numéro extraordinaire, passant de l’effrayant au glamour avec une agilité étonnante. Cette fille a beaucoup de talent, mais ce n’est pas vraiment une découverte. Pour le personnage de la Baronne, Nicole Kidman, Charlize Theron, Julianne Moore, Demi Moore, c’est finalement Emma Thompson qui a hérité de ce rôle délirant qu’elle assume avec une gourmandise qui fait plaisir à voir. Le reste de la distribution, les Emily Beecham, Joel Fry, Paul-Walter Hauser, Mark Strong, s’en donne à cœur joie dans ce luxueux mélange de comédie et de noirceur… trop souvent englouti sous le tsunami de la bande-son… Ah oui ! Je l’ai déjà dit ! Un Joker au féminin semblait de toute évidence une des motivations de cette énorme production, mais tout le monde n’est pas Todd Phillips.

Un espion ordinaire

Héros malgré lui

Dominic Cooke a 54 ans et c’est seulement son 1er film qui sort sur les écrans. Il transforme parfaitement son  essai de film d’espionnage. Un suspense de 112 minutes sacrément bien mené. 1960. Modeste représentant de commerce anglais, Greville Wynne se retrouve plongé au cœur de la guerre froide. À la demande du MI-6 et de la CIA, il noue une alliance aussi secrète que périlleuse avec le colonel soviétique Oleg Penkovsky. Objectif : fournir les renseignements nécessaires aux Occidentaux pour éviter un affrontement nucléaire et désamorcer la crise des missiles de Cuba. Il entame alors une série d’allers-retours entre Londres et Moscou en prenant de plus en plus de risques… La belle surprise que voilà servie par une superbe distribution juste et très impliquée dans cette histoire plus que sombre. A voir !

Le film s’intéresse à l’histoire vraie d’un homme d’affaires britannique et de sa source russe qui a aidé la CIA à pénétrer le programme nucléaire soviétique durant la Guerre froide, ce qui mit fin à la crise des missiles de Cuba. J’avoue humblement ignorer totalement cet épisode qui a vu s’affronter à distance Kennedy et Khrouchtchev qui ont failli mettre à mal le fragile équilibre du monde à cette époque. On est, ici, loin d’un scénario fuligineux à la John Le Carré, c’est même limpide quoique les arcanes du monde parallèle des services secrets restent parfois impénétrables. Certes, la plus grande partie des faits relatés demeure classée Secret Défense, mais le récit est clair, et les retentissements des risques pris par ces espions, sur leurs propres familles, parfaitement mis en scène. La photo, les décors et les costumes sont parfaits. L’équipe a sillonné l’Europe de l’Est pour dénicher des lieux de tournage plausibles, créant ainsi une atmosphère oppressante qui ajoute beaucoup à la réussite de ce film. Et je tiens à souligner que, pour une fois, les acteurs jouent dans la langue de leur pays, ce qui est, hélas, trop rare dans les films anglo-américains, ce qui amplifie encore le réalisme de ce suspense d’espionnage.

Après La Taupe et Imitation Game, Benedict Cumberbatch, comme toujours impeccable, devient le spécialiste du film d’espionnage. Sa transformation pour la dernière partie est époustouflante. Face à lui, le formidable acteur géorgien, Merab Ninidze, lui donne une excellente réplique. Citons encore Rachel Brosnahan et Jessie Buckley parfaites elles aussi. Quand on pense que cette histoire reste d’une actualité brûlante, et c’est plutôt terrifiant. Tout petit bémol, les distributeurs français ont cru bon de changer le titre original The Courrier, bien plus adapté que celui choisi pour l’exploitation en France. Un suspense à combustion lente dont les amateurs du genre ne doivent surtout pas se priver.

Hospitalité

Les intrus

Du cinéaste japonais, Kôji Fukada, j’avais découvert en 2016, le remarquable Harmonium, – primé à Cannes -, suivi en 2020 par L’infirmière. Retour en arrière sur la carrière de ce réalisateur avec ces 96 minutes d’une comédie dramatique plus que grinçante. Au cœur de Tokyo, la famille Kobayashi vit paisiblement de l’imprimerie. Quand un vieil ami de la famille réapparaît, aucun ne réalise à quel point il est en train de s’immiscer progressivement dans leur vie… jusqu’à prendre leur place. Une pochade sur le sujet grave de l’immigration au Japon. Une véritable curiosité.

Le film devait s’intituler à l’origine Rotary, en référence aux systèmes d’impression rotative mais aussi à  l’impermanence de la vie qui décrit des circonvolutions et finit embobinée,  explique – si l’on peut dire -, Fukada. Cette comédie corrosive devait sortir en 2010… pour des raisons que j’ignore, elle n’arrive sur nos écrans qu’aujourd’hui. Résumons le contexte social : le Japon est le quatrième pays du monde à accueillir le plus de travailleurs étrangers, avec 2,5 millions d’étrangers qui vivent et travaillent au Japon. Pourtant, le gouvernement du pays affirme catégoriquement ne pas vouloir accueillir d’immigrants. En ce qui concerne les réfugiés, leur taux d’acceptation est inférieur à 1%, un chiffre extrêmement bas comparé à celui des autres pays développés. Le climat au Japon est tel que les étrangers sont de plus en plus perçus comme responsables de la criminalité du pays – ça nous rappelle quelque chose -. Ici, le vagabond Kagawa voit dans l’hospitalité un moyen de faire cohabiter ensemble les étrangers, les Japonais, les sans-abris, les criminels ou qui que ce soit. Certains feront la comparaison avec son Harmonium dont le thème est assez voisin mais sur un ton plus angoissant. D’autres penseront même au Théorème de Pasolini. Mais ici, le ton est plus léger, plus déjanté, pour cette fable sur la zizanie qui tend volontiers vers l’absurde dans ce presque huis-clos. Je ferai plutôt référence aux Parasites de Bong Joon Ho. Certes le cinéma est moins abouti, mais son intérêt est réel.

Côté casting, les Kenji Yamauchi, Kanji Furutachi, Kiki Sugino, que nous connaissons peu, sont impeccables. La roublardise de l’un et les effarements des autres sont un régal dans un monde millimétré où tout va basculer à une vitesse effarante. L’accélération du processus d’envahissement va crescendo jusqu’à l’absurde et ce n’en est que plus réjouissant. Voilà une jolie manière de découvrir la naissance d’un cinéaste qui a fait plus que ses preuves depuis plus de 10 ans, avec cette allégorie au vitriol sur la peur de l’autre au pays du Soleil Levant.

L’étreinte

Exploration du vide

Acteur habitué des seconds, pour ne pas dire 3èmes rôles, Ludovic Bergery s’essaie au drame pour son 1er film et  1er scénario. Rarement, on a vu un premier film aussi ennuyeux et aussi peu original. 100 minutes pour rien ou presque. Margaux a perdu son mari et commence une nouvelle vie. Elle s’installe chez sa sœur et s’inscrit à l’université pour reprendre des études de littérature. Mais rapidement, elle ressent le besoin d’autres émotions. Elle part en quête d’amour, au risque de s’y perdre… Voilà, tout est résumé… c’est vous dire. Ce drame repose entièrement sur la présence d’une star… sur le retour. Elle fait ce qu’elle peut, mais n’y croit pas un instant… nous non plus.

Ce film se veut une sorte d’exploration du domaine du ressenti  par une veuve de fraîche date qui tente de se reconnecter à l’existence. Le problème majeur, c’est qu’à aucun moment on ne parvient à partager la détresse et la solitude de l’héroïne. Bergery n’a pas peur de filmer le silence, mais l’écueil sur lequel il fait naufrage, c’est que ça provoque l’ennui. Certes, l’ambition est là, et mettre l’absence au centre du film était audacieux, car l’on sait – ô combien avec la période que nous traversons -, qu’être privé de l’étreinte est l’une des choses les plus cruelles qui soit. Mais on ne croit ni aux personnages sans consistance et ni aux situations qui paraissent factices. Bref un film inutile.

Depuis 2014, on n’avait plus vu Emmanuelle Béart dans une fiction à l’écran. Elle revient à 57 ans et on doit avouer qu’elle a le courage d’assumer son âge. Ce n’est pas si fréquent chez une actrice qui fut un sexe-symbole. Malgré tout ça, elle ne sait visiblement pas quoi faire de ce personnage dont on ne saura jamais s’il est à la recherche de l’amour, de l’amitié ou, de manière plus prosaïque, de sexe. Sans doute les 3 à la fois. Mais le flou nuit beaucoup à l’empathie que l’on pourrait ressentir pour elle. A ses côtés Vincent Dedienne se demande franchement ce qu’il fait là. Citons quelques autres noms du casting, Tibo Vandenborre, Sandor Funtek, Nelson Delapalme, Arthur Verret, Yannick Choirat… bref, pas grand chose de « bouleversifiant ». Tout comme ce film hautement évitable.