12 Jours

L’impuissance

Quand j’écris le nom de Raymond Depardon, j’ai l’impression d’avoir déjà tout résumé. Ce type est un génie. Tant par le choix du sujet, son traitement ou la qualité de la réalisation, il ne nous déçoit jamais. Bien plus il nous passionne et nous fascine pendant 87 trop courtes minutes. Avant 12 jours, les personnes hospitalisées en psychiatrie sans leur consentement sont présentées en audience, d’un côté un juge, de l’autre un patient, entre eux naît un dialogue sur le sens du mot liberté et de la vie. Ce film tente de donner un point de vue universel et nouveau sur le problème complexe de la santé mentale. Des personnes vulnérables témoignent de leur histoire intime mais aussi à leur façon de l’histoire politique, sociale et morale de la France. Depardon et son équipe tente simplement de rester à l’écoute de restituer des moments, des paroles, des émotions. Il a filmé 72 audiences au cours du tournage au moyen de trois caméras : l’une pour le patient, l’autre pour le magistrat et une troisième pour un plan général. Ces axes de prise de vue permettent de donner une équidistance entre le patient et le magistrat, pour ne pas imposer un point de vue dominant et laisser le spectateur libre de se faire sa propre opinion. Au final, ce sont 10 patients que nous suivons au cours du documentaire. Tout simplement bouleversant.  

12 jours revient sur une nouvelle loi mise en application depuis le 27 septembre 2013 : « les patients hospitalisés sans consentement dans les hôpitaux psychiatriques doivent être présentés à un juge des libertés et de la détention avant 12 jours puis tous les six mois si nécessaire ». Autrefois, seul le psychiatre décidait de l’hospitalisation d’un individu. Mais aujourd’hui… Au regard de ce témoignage bouleversant rien n’a changé car les juges – et ils l’avouent à plusieurs reprises – se contentent de suivre les recommandations des médecins… Un terrible aveu d’impuissance. N’oublions pas qu’il y a en France, chaque année, environ 92 000 mesures d’hospitalisations psychiatriques sans consentement, soit 250 personnes par jour. Un des plus beaux films de l’année qui autorise la parole de personnes marginales et isolées, et pourtant si proches de nous. Un regard humain qui force notre respect.

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