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De l’état du monde

Il n’y a rien de plus difficile à consoler qu’un paysage désolé.

Un peu d’humour avec Pierre Dac pour débuter une chronique qui risque fort d’en manquer cruellement. Certains vont penser qu’il radote un peu le Jipéhel ou, qu’à tout le moins, il a ses marottes. Mais nous voilà à quelque jours d’un scrutin que d’aucuns pourraient penser secondaire, voire sans importance, alors qu’il est crucial.

Osons regarder le monde en face. La brusque irruption du Covid n’était pas, comme beaucoup ont la faiblesse de le penser, une simple parenthèse, mais bien au contraire une date repère – ne dit-on pas désormais « avant ou après le Covid », comme on disait « avant ou après Jésus-Christ  ». Osons regarder le monde en face. c’est bien le début d’une période nouvelle : celle où les impérialismes – d’où qu’ils viennent -, mis en sommeil durant le XXème siècle, et en voie de reconstitution depuis, ont brusquement jeté le masque. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, se sont enchaînées la défaite du nazisme, la chute du « rideau de fer » entre l’URSS et l’Europe occidentale, la guerre froide, puis l’émergence des USA comme puissance dominante. A cette période de grande tension succéda, jusqu’en 1989, la coexistence pacifique – c’est ainsi qu’on nommait l’équilibre de la terreur entre les deux « grands » -. En 89, victoire de l’Occident avec la chute du Mur de Berlin. On a alors cru que l’Histoire s’était arrêtée sur le triomphe du capitalisme et de la démocratie libérale. L’illusion dura jusqu’au 11 septembre 2001, date à laquelle commença la période du multilatéralisme. Alors, les cultures nationales s’éveillèrent.

En 20 ans, les Etats-Unis sont retombés de statut de superpuissance à celui de 1ère puissance en voie d’être rattrapée par la Chine. L’opposition, désormais caricaturale, entre capitalisme et socialisme, se dissout au profit d’ensembles régionaux qui tentent de ressusciter les grands empires du passé. La Russie de Poutine qui se rêve prendre la suite des Tsars, la Turquie du mégalomaniaque Erdogan, nostalgique de l’Empire Ottoman, des mouvements islamistes fondamentalistes qui tentent de faire revivre le Califat médiéval et surtout Xi Jinping, héritier décomplexé des dynasties impériales révolues. Et ces quatre grands impérialismes ont un point commun : la haine de l’Occident et de ses valeurs de libertés. Certes, durant un millénaire, les blancs d’occident, sans scrupules, les ont dominés, humiliés voire détruits. Nous assistons aujourd’hui aux prémices d’une colossale lutte des Titans avec pour cible unique : l’homme blanc occidental. Le fait est qu’on voit peu d’avenir à la démocratie et qu’on a rarement autant parlé des Droits de l’Homme pour les pratiquer aussi peu. Tous ces néo-dictateurs ne se gênent plus pour clamer haut et fort que la démocratie ne convient pas à leur pays et qu’elle est ravalée au rang de particularité régionale. Pire encore. La « capitale » de la démocratie libérale, les USA, est elle-même menacée par la réélection à sa tête d’un paranoïaque opportuniste, grande gueule et petit bras, symbole achevé de l’incohérence de l’Occident.

Quant à nous, en Europe, nous élevons dans notre sein, les rejetons hideux de tous ces autocrates qui ne rêvent que d’une chose, nous imposer tout ce contre quoi nos anciens ont lutté – souvent au prix de leurs vies -, durant des décennies. Quelle dérision, quel aveu d’impuissance et quel aveuglement d’une grande partie des français qui se refusent à reconnaître que l’Europe reste notre seule planche de salut face à ces nouveaux impérialismes, devant lesquels bayent d’admiration nos partis extrêmes aveuglés par leur désir irrépressible de pouvoir !  A ceux-là, je dirais d’arrêter de nous tromper sur ce scrutin du 9 mai et de nous faire oublier sa portée continentale – voire mondiale -, pour tenter de la transformer en vote franco-français, en une sorte de référendum pour ou contre Toutenmacron, comme si, son parti, battu aux européennes, – ce qui ne manquera pas de se produire -, laisserait le pouvoir à qui veut le prendre, que dis-je, à se jeter dessus comme la vérole sur le bas-clergé. Messieurs et Mesdames, ayez un peu de hauteur de vue et défendez votre pays et votre Europe, dernier bastion de la lutte contre tous les totalitarismes qui nous guettent. Regardez de plus près les listes en présence ; il reste bien des démocrates aux idéaux plus élevés que l’ambition personnelle qui se présentent à vos suffrages. Ne vous trompez pas de combat. Il en est encore temps.

    

Furiosa : Une saga Mad Max

Métal hurlant.

En attendant Mad Max VI prévu pour 2026 et après les 5 premiers volets de la célèbre saga, George Miller s’offre un prequel en forme de spin-off consacré à un des personnages, Furiosa. 148 minutes haletantes et éreintantes pour raconter une histoire où la violence latente le partage aux paysages grandioses de l’Australie. Dans un monde en déclin, la jeune Furiosa est arrachée à la Terre Verte et capturée par une horde de motards dirigée par le redoutable Dementus. Alors qu’elle tente de survivre à la Désolation, à Immortan Joe et de retrouver le chemin de chez elle, Furiosa n’a qu’une seule obsession : la vengeance. Nouveau déchaînement d’effets spéciaux plus réussis les uns que les autres. On en a plein la vue – et les oreilles – et ce classique de la dystopie motorisée justifie ces 168 millions de dollars de budget

Bon, c’est grandiose même si c’est la Warner qui est à la manœuvre ce qui exclut tout débordement d’hémoglobine et… d’érotisme. L’Amérique puritaine a encore frappé. Mais on passe un très bon moment – même si c’est parfaitement éreintant -, avec ce défilé permanent de sales tronches, de grands méchants patibulaires et les créations ahurissantes digne du Concours Lépine de l’engin motorisé le plus gros, le plus rapide, le plus invulnérable – en principe – et le plus destructeur. En l’occurrence, on atteint des sommets. L’histoire souffre de quelques ellipses temporelles et spatiales, mais bon, on oublie, tant le spectacle – le grand spectacle – est au rendez-vous. Les admirateurs de Mad Max – dont je fais partie et ce depuis 1982 -, se réjouiront que George Miller soit toujours aux commandes et que l’aventure continue, et que les moteurs survoltés vrombiront de nouveau pour un 7ème volet.  

Côté casting, c’est tout aussi impeccable. Anya Taylor-Joy est parfaite. Voilà une actrice que je suis fidèlement depuis The Witch en 2015. Elle ne m’a jamais déçu, même dans des genres aussi différents que Split, Le secret des Marrowbone, Emma, Glass, Le Menu, Dune ou Amsterdam. Chris Hemsworth joue les méchants pétaradants avec une outrance gourmande et réjouissante. Quant à Tom Burke. Beaucoup plus sobre est parfait lui aussi. La distribution est pléthorique, les seconds rôles parfaitement tenus et les cascadeurs virtuoses. Du vrai cinéma de divertissement qui ne tente pas de nous imposer un message mais se contente de nous divertir. C’est ça aussi le grand spectacle qui suinte le sang, les larmes et… l’huile de moteur.

Marcello mio !

Qui est qui ?

C’est en 2008 qu’on a découvert Christophe Honoré avec Les chansons d’amour – pour lequel Alex Beaupain (tiens, tiens) avait reçu un César pour sa musique -. Depuis, au rythme de pratiquement un film par an, sa filmographie a fait le yoyo avec quelques bas mais surtout des hauts. Reste que chacune des sorties d’un « Christophe Honoré » reste un événement. Ces nouvelles 120 minutes sont frappées au sceau de l’originalité, c’est le moins qu’on puisse en dire. C’est l’histoire d’une femme qui s’appelle Chiara. Elle est actrice, elle est la fille de Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve et le temps d’un été, chahutée dans sa propre vie, elle se raconte qu’elle devrait plutôt vivre la vie de son père. Elle s’habille désormais comme lui, parle comme lui, respire comme lui et elle le fait avec une telle force qu’autour d’elle, les autres finissent par y croire et se mettent à l’appeler « Marcello ». Idée géniale pour les uns, masturbation intellectuelle pour les autres. Tous les goûts sont dans la nature. Une troublante réflexion sur le cinéma, l’éternité et le temps qui passe.

On ne sait pas grand-chose sur la genèse de cette drôle de comédie dramatique plus que déroutante. Comment une idée comme celle-là a pu naître dans l’esprit d’Honoré ? Mystère ! Quelques passages à vide, mais que de moments de grâce dans cette quête d’identité d’un nouveau genre ! Bien sûr, le fait que le sujet soit ici centré sur des personnages célèbres donne une résonnance toute particulière à une histoire qui, a priori n’a ni queue ni tête. Les cinéphiles vont hurler de plaisir, les autres, – le public jeune surtout – va s’ennuyer à mourir. Reste qu’oser une fantaisie drôle et libre sur le deuil et les fantômes d’une vie était une sacrée gageure. Pari tenu avec un maître-mot : la délicatesse. L’hommage ici rendu va bien au-delà de Mastroianni lui-même mais est d’abord celui du 7ème Art. Personnellement, je craignais une comédie autocentrée et nombriliste alors qu’on a droit à deux heures d’une fable universelle touchante, intelligente et malicieuse.

Chiara Mastroianni relève ici un défi unique et tout le film ne repose que sur son immense talent. Quand on sait qu’elle est entourée par Catherine Deneuve, Benjamin Biolay, Melvil Poupaud, Fabrice Lucchini, Nicole Garcia, – excusez du peu – et qu’en plus chacun joue son propre personnage, on ne peut qu’admirer les performances de tout ce casting royal et l’immense talent – et culot – de ce cinéaste pas tout à fait comme les autres. C’est la 8ème fois que Chiara joue devant les caméras de Christophe Honoré… sans doute la plus marquante. Quand fiction et réalité se rejoignent…  

Au rendez-vous de la connerie

La connerie, la vraie connerie, la connerie rutilante, la connerie superbe, c’est l’homme. (F. Dard)

Et en particulier le supporter de foot. Mais les journalistes et les commentateurs les rejoignent dans l’ineptie quand, après les graves incidents qui ont opposé les soi-disant supporters de Paris et de Lyon à un péage d’autoroute, ils ne se posent qu’une question : Comment les cars parisiens et lyonnais ont-ils pu se retrouver en même temps au même endroit ? La polémique enfle immédiatement, s’amplifie, se déforme, devient politique et surtout LA question : est-on vraiment capable d’organiser les J.O. ? Mais, une fois de plus, les vraies questions à se poser sont en réalité : pourquoi des « amoureux » de foot, se mettent-ils systématiquement sur la gueule dès qu’ils se rencontrent ? Est-il réellement utile d’emporter dans son bagage des barres de fer ou des couteaux quand on va assister à une finale de Coupe de France – ou tout autre match d’ailleurs ? Au lieu de chercher le responsable de cette erreur d’organisation, ne faudrait-il pas plutôt s’indigner de cette logique de la violence qui gangrène quasi exclusivement les milieux du foot ? Je vous parie un œuf dur contre un piano à queue qu’on va créer une commission d’enquête pour étudier scrupuleusement le pourquoi du comment de cette rencontre qui n’aurait jamais dû avoir lieu. Alors que c’est ce type de comportement qui n’aurait jamais dû avoir lieu. Bienvenue chez les fous ! Certains ne sont jamais seuls, ils sont toujours accompagnés de leur connerie. (Arletty)

Les vieux

Les gardiens de la mémoire

Quand on me propose un documentaire réalisé par l’allemand Claus Drexel, j’y cours. Qui n’a pas vu Aux bords du monde ou America, a forcément raté des grands moments de cinéma documentaire. 96 minutes plus tard, je sors à la fois bouleversé et heureux de cette suite de témoignages de nos anciens. Ils sont de toutes origines et ont vécu près d’un siècle. Ils ont traversé les bouleversements de l’histoire. Ils sont drôles, émouvants, rebelles. Ils nous surprennent et nous émerveillent. Pourtant, on entend rarement leur voix. Ce film est une invitation au voyage, à travers la France, à leur rencontre. C’est quoi être vieux ? À quel âge l’est-on ? Que peut-on encore apporter au monde dans lequel nous vivons ? Questions cruciales auxquelles répond ce film mémoriel, politique et émouvant qui devrait en faire réfléchir plus d’un.

Il y a la volonté de Claus Drexel d’écouter ces personnes âgées que notre société occidentale, centrée sur le productivisme et le profit, ne considère souvent plus que comme un problème. Pourtant,  ces gens ont une expérience de vie bien plus grande que la nôtre ; ils représentent une richesse inépuisable mais on ne les entend pas. Ce formidable documentariste aime à donner la parole à ceux auxquels on ne la donne jamais : les sdf, les prostituées, les laissés pour compte de l’Amérique profonde… Pas de fioritures, pas de mouvements de caméras parasites, pas questions inutiles : à la manière de l’immense Depardon, ces anciens parlent, se livrent et nous enseignent ce qu’est la vie et quelle place la mort occupe désormais dans ce qui leur reste de temps à vivre. Ce tour de France – Alsace, Nord, Bretagne, Pays Basque, Auvergne, Corrèze, Cantal, Les Cévennes, les Alpes, la Corse… -, du 4ème âge est jalonné de plans de coupe admirables de beauté mais qui finissent par lasser un peu… C’est bien là le seul reproche que je ferai à cet immense documentaire qui devrait être montré dans les écoles, les collèges et les lycées tant il sait nous apprendre  que le repli communautaire, quel qu’il soit, n’est pas une fatalité. Il est possible de vivre harmonieusement ensemble. Le monde est ce que nous en faisons. Mais pour quelle triste raison, est-il beaucoup plus facile de propager la haine de l’autre que l’ouverture à l’inconnu, à celui qui est différent ?

L’homme aux mille visages

La traque du caméléon

La fiche technique du film m’apprend que Sonia Kronlung a réalisé un 1er documentaire, Nothingwood, en 2017, qui avait été très bien reçu. J’avoue humblement être passé à côté. Cette fois, j’ai tenu à voir ces nouvelles 90 minutes car le sujet aussi troublant qu’original m’intéressait. Il s’appelle Alexandre, Ricardo ou Daniel. Il se dit chirurgien ou ingénieur, argentin ou brésilien. Il vit avec quatre femmes en même temps, adaptant à chacune son récit et même ses traits de caractère. Enquête à la première personne, avec l’aide d’un détective privé, sur un imposteur aux mille vies imaginaires. Une aventure de solidarité féminine qu’on regarde comme un thriller. Et dire que tout cela est vrai… Fascinant, passionnant, une quête jusqu’aux limites de l’imposture.

Notre réalisatrice est avant tout la productrice des Pieds sur terre, l’émission quotidienne de France Culture… un label de qualité. Et on n’est pas déçus. Vous vous souvenez sans doute, même si ça remonte à 2010, de la formidable comédie de Pascal Chaumeil, L’arnacœur. La grande différence, c’est qu’ici, le personnage existe. Se gardant bien de mettre en avant la personnalité trouble et magnétique du « héros », le documentaire a le souci de créer des personnages, un flamboyant collectif de femmes lésées mais ironisant sur leur sort et questionne ainsi les arcanes du mensonge et de la fiction. De cette histoire qui a touché une de ses amies, Sonia Kronlund a d’abord fait un podcast puis un livre et ce docu, où la fiction surgit quand des actrices jouent certaines femmes réellement abusées, fruit d’un travail de 7 ans avec un détective privé. Il ne s’agit évidemment pas du portrait d’un serial lover, mais de celui d’un mythomane qui serait presqu’à plaindre s’il ne laissait des victimes dans son sillage. C’est réjouissant et la chute du film est irrésistible.

Relecture

Son Kant à soi

La possession du pouvoir corrompt inévitablement la raison. Pourquoi donc citer Kant, le philosophe prussien ? Parce qu’il est aujourd’hui au centre d’une polémique venue du Kremlin. Ce cher Emmanuel – je parle de Kant bien sûr dont on vient juste de fêter le tricentenaire -, est né en 1724 à Koenigsberg, devenue depuis la russe Kaliningrad par la seule volonté de Staline – le célèbre démocrate -. Il est donc prussien et d’ailleurs ne s’exprime qu’en allemand dans ses plus fameux écrits : La critique de la raison pure ou Qu’est-ce que les Lumières ? et Vers la paix perpétuelle. Une citation de ce dernier ouvrage – au demeurant écrit par un européen convaincu bien avant l’heure -, Ose penser par toi-même, citation qui n’était autre que sa définition des Lumières, a été reprise de volée par le nouveau Tsar, le camarade Wladimir, qui relit à sa manière le philosophe : dans certains pays de notre voisinage, tous vivent sous des intelligences étrangères, allusion à peine déguisée à une Europe sous influence américaine. En revanche, la Russie doit vivre de sa propre intelligence au service de ses intérêts nationaux…Une phrase qui peut être reprise littéralement par Le Pen, Bardella et consorts… Or le Sapere Aude de Kant s’adressait à la liberté individuelle et non à une injonction de puissance au service d’une nation, en l’occurrence pour justifier l’invasion de l’Ukraine. Et si l’Europe a besoin de « puissance » et de « souveraineté » c’est pour défendre l’héritage de Kant en faveur d’une certaine idée des droits de l’homme et de l’individu. En est-elle encore capable ? La question vaut d’être posée quand on voit que son avenir dépend plus des élections américaines que des européennes. Tout comme le fait qu’en France, près de 45 % des électeurs sont prêts à voter pour des partis prorusses. Ça en dit long !

The fall guy

Moralité : le cascadeur est doublé.

A 48 ans, David Leitch est devenu un des grands spécialistes du film d’action, style poursuite-cascade-bagarre-pif-paf-pan-pan-crac-boum-et toutes ces sortes de choses. A son actif – ou à son passif selon les goûts -, le 1er John Wick, Atomic Blonde, Deadpool, un spin-off de Fast and Furious et, heureusement pour moi, l’irrésistible Bullet Train. Vu le palmarès, c’est avec un tantinet d’appréhension que j’ai fini par aller voir ces 125 minutes. C’est l’histoire d’un cascadeur, et comme tous les cascadeurs, il se fait tirer dessus, exploser, écraser, jeter par les fenêtres et tombe toujours de plus en plus haut… pour le plus grand plaisir du public. Après un accident qui a failli mettre fin à sa carrière, ce héros anonyme du cinéma va devoir retrouver une star portée disparue, déjouer un complot et tenter de reconquérir la femme de sa vie tout en bravant la mort tous les jours sur les plateaux. Que pourrait-il lui arriver de pire ? Jouissif et parfaitement inutile… Vive Hollywood !

Ceux et celles qui ont vécu les années 80 se souviennent évidemment de la série venue du Canada L’homme qui tombe à pic avec l’ineffable Lee Majors… 113 épisodes de 50 minutes pendant 5 années… ça ne s’oublie pas. Pour ce grand machin très attendu – car annoncé à grands renforts de bande annonce et de teasing comme savent le faire les amerlocks du Studio Universal -, et soutenu par un budget de 125 millions de dollars et un casting dans le genre très glamour, on aurait pu s’attendre à pire. Soyons honnêtes, ça tient la route – si on accepte d’oublier le côté grand n’importe quoi du scénario -, on ne s’ennuie pas, les cascades – c’est la moindre de choses –, les bagarres, les poursuites sont à couper le souffle, les dialogues bourrés d’humour au second degré et le suspense savamment entretenu même si le happy end s’avère inévitable dans ce type de productions. Donc un joyeux cocktail d’humour, d’amour, de dinguerie, des cascades et un excellent casting : du cinéma populaire qui ne se moque pas du spectateur. Pas fondamental et rapidement oubliable, mais pourquoi pas ? Il y a tellement pire dans le cinoche américain. Et puis, il faut saluer cet hommage implicite à tous les cascadeurs qui nous font rêver et trembler devant le grand écran.

Comme je l’ai dit, côté casting c’est du nanan avec le couple vedette Ryan Gosling / Emily Blunt, qui en fait des tonnes dans le glamour, mais quand ça rime avec humour, on se régale de leur confrontation, même si leur romance est digne d’un Ce2. Ils incarnent tous les deux les héros du feuilleton, Colt Seavers et Jody Moreno. Aaron Taylor-Johnson et Hanna Waddingham complètent le haut de l’affiche et en font des tonnes dans l’outrance, mais c’est – hélas – complètement dans le style. Soyez attentifs, Lee Majors himself apparaît dans un court caméo incarnant… Lee Majors. Un conseil, si vous décidez d’aller voir ce film mineur mais distrayant, ne ratez pas le générique de fin.  

Les Trois fantastiques

Abandonnés

Encore un 1er film français, signé et réalisé par Michaël Dichter. Et merci à lui pour ces 95 minutes d’un drame social bouleversant. Max, Vivian et Tom, 13 ans, sont inséparables. Ce début d’été est plein de bouleversements : la dernière usine de leur petite ville des Ardennes ferme tandis que Seb, le grand frère de Max, sort de prison. Ses combines vont peu à peu entraîner les trois adolescents dans une chute qui paraît inéluctable… Un film qui touche en plein cœur. Ou, quand des ados, victimes des conneries de leurs aînés, les payent très cher. Bouleversant !

L’histoire se déroule en Région Grand Est, entre Charleville-Mézières et Revin, un endroit où les personnes qui y vivent, à cause de la désindustrialisation, à cause du chômage, à cause du manque de perspectives, ont une âme battante et généreuse, mais elles se sentent laissées pour compte, isolées. Le film tourne autour de la question de l’abandon : un père absent qui a abandonné ses enfants, une mère qui abandonne son rôle de mère, un grand frère qui abandonne son petit frère, un ami qui abandonne ses amis, etc. Le tout dans une ville où les habitants ont abandonné la lutte et où l’usine qui les fait vivre abandonne le territoire. Et quand on arrive au but de la lutte, il faut trouver d’autres manières pour vivre et survivre, c’est tout le sujet de ce drame. Quand on interrogeait James Gray – dont le Little Odessa fait penser à ce film -, il disait : le cinéma c’est un mélange entre la vérité et le spectacle. Je pense que ce jeune réalisateur l’a bien compris. Ni morale, ni pathos, de la vérité brute comme on en voit rarement.

Et en plus, la direction d’acteurs est parfaite. Autour du duo, Emmanuelle Bercot / Raphael Quenard, on découvre trois jeunes plus que prometteurs, Diego Murgia, Jean Devie et Benjamin Tellier, qui, dans des registres différents, sont à créditer d’excellentes performances. Il semble que ce petit film, qui a tout d’un grand, ait bien du mal à trouver son public. C’est bien dommage, car, franchement il vaut le détour. Autopsie d’une sortie trop brutale de l’enfance qui ne peut laisser indemne.   

Petites mains

La lutte paye

2ème film de Nessim Chikhaoui, – après Placés en 2021 -, dans lequel il remet le couvert  de la comédie dramatique sociale. 87 minutes centrées sur ces gens qu’on a applaudis tous les soirs pendant le confinement. C’était en 2020…et depuis ? Rien n’avait préparé Eva à l’exigence d’un grand hôtel. En intégrant l’équipe des femmes de chambres, elle fait la connaissance de collègues aux fortes personnalités : Safietou, Aissata, Violette et Simone. Entre rires et coups durs, la jeune femme découvre une équipe soudée et solidaire face à l’adversité. Lorsqu’un mouvement social bouscule la vie du palace, chacune de ces «petites mains » se retrouve face à ses choix. Et depuis, rien de nouveau pour ces invisibles, d’où ce coup de projecteur habile et sensible sur un mouvement social qui a défrayé la chronique en 2019. Edifiant, nerveux, sensible et très intelligent.

En juin 2019, les femmes de chambre du plus grand hôtel Ibis de France, porte de Clichy, à Paris, décident de sortir du silence et de l’abnégation. Elles entament une grève pour dénoncer les cadences infernales, le travail impayé et les conditions éprouvantes que leur inflige Accor via le sous-traitant qui les emploie. Ce mouvement social fera date, car les «  petites mains » vont faire plier le 1er groupe hôtelier d’Europe. Même si, dans ce film, l’action est déplacée vers un grand palace parisien, l’impact reste le même. Car, comment justifier que ces femmes de ménage, qui travaillent dans des conditions indignes, touchent moins de salaire en un an que le prix d’une suite pour une seule nuit dans ledit palace ? Cette comédie dramatique vaut plus par la profondeur apportée à certains personnages qu’au récit de la lutte elle-même. Voilà une chronique sociale digne des britanniques passés maîtres dans le genre. Ce film choral bénéficie d’un montage nerveux, de dialogues soignés et d’une superbe interprétation sans faille. Un feel good movie diront certains avec un peu de mépris. Oui, et alors !  

Corinne Masiero sait tout faire. Il faudrait bien se garder de la résumer au numéro qu’elle nous propose depuis des années dans la peau du Commissaire Marleau. C’est une grande actrice que l’on retrouve ici au niveau de sa Louise Wimmer qui nous l’avait fait découvrir en 2011. Nous attendons son 1er film en tant que réalisatrice, qui doit sortir dans l’année, avec une certaine curiosité. Elle forme un duo épatant avec la jeune Lucie Charles-Alfred, qui, pour son 1er grand rôle, montre un sacré abattage. On ajoutera volontiers à cette tête d’affiche les prestations de Marie-Sohna Condé, Salimata Kanaté, Maïmouna Gueye et Kool Shen. Encore un film qui fait du bien, ne nous en privons pas.