The bikeriders

Western sur bitume

Jeff Nichols est un des nouveaux réalisateurs américains – 45 ans aujourd’hui -, que je suis avec le plus d’intérêt depuis 2011 et son formidable Take Shelter. Depuis il ne m’a jamais déçu avec, Mud, Loving, et Midnight Spécial qui remonte à 2016… depuis plus rien, Heureusement il nous revient avec ces presque deux heures pétaradantes, violentes et… géniales. Dans un bar de la ville, Kathy, jeune femme au tempérament bien trempé, croise Benny, qui vient d’intégrer la bande de motards des Vandals, et tombe aussitôt sous son charme. À l’image du pays tout entier, le gang, dirigé par l’énigmatique Johnny, évolue peu à peu… Alors que les motards accueillaient tous ceux qui avaient du mal à trouver leur place dans la société, les Vandals deviennent une bande de voyous sans vergogne. Benny devra alors choisir entre Kathy et sa loyauté envers le gang. Je rassure – ou je déçois – les grands amateurs de grosses cylindrées, ce n’est pas un film de motards, mais un film d’amour qui questionne sur le bonheur, l’amitié au son du rock’n roll – Cream, Stones, The Shangri-Las –. Ce drame s’avère être moins un film de route que de bars, de parkings et de pique-niques où l’on stagne, enivré et à moitié amorphe… désespéré et pourtant superbe !

Le film s’inspire du livre de photos et d’entretiens du même nom, publié en 1967 par Danny Lyon. Cette histoire est donc vraie et on peut noter que le gang existe toujours, et qu’il reste l’un des rivaux des célèbres Hell’s Angels. Je ne pensais pas pour voir me passionner pour une intrigue se déroulant dans ce milieu des motards. Mais c’est la magie de Jeff Nichols, qui sait raconter des histoires, créer une atmosphère, creuser jusqu’au tréfonds de l’âme humaine et nous emporter dans des univers qui ne sont pas les nôtres. Avertissement : il faut absolument voir ce film en VO… ah cet accent du Middle-West ! On pense irrésistiblement à L’équipée sauvage, Les Affranchis ou à Easy Rider. Certes. Mais il y a un plus : la patte de Nichols qui parvient à donner un accent féministe à ce drame testostéroné et pétaradant. Ce n’est pas là sa moindre qualité, car, paradoxalement, tout est beau dans ce film crasseux, poisseux et sanglant, faisant de deux heures, une exploration exaltée et nostalgique d’une page de la mythologie américaine. Cinéaste et conteur à la fois, il nous propose son film sans doute le plus inconfortable, ce qui ne retire pas une once à sa magie.    

Austin Butler, après celui du King Elvis, endosse le blouson élimé du gang des Vandals avec une belle présence à la James Dean. Jodie Comer, magnifique, – elle crève l’écran -, est la caution féminine de ce film d’hommes où l’on croisent encore l’excellent Tom Hardy, en « bête sauvage » digne de Scorcese, l’incontournable Michael Shannon, qui en est à son 6ème film avec Nichols, ou Norman Reedus, et pas mal d’autres auxquels l’équipe de maquillage et les costumiers se sont ingéniés à donner des silhouettes et des tronches incroyables… une pleine réussite. Lyrique, captivant, mélancolique, sauvage, tragique, un film de bande comme on voit peu. Un des plus beaux films américains de 2024 !

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